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Les pièges à éviter quand on écrit sur le suicide

Photo: Kevin Millet
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Les pièges à éviter quand on écrit sur le suicide

L’Association québécoise de prévention du suicide vient de publier un guide d’accompagnement à l’intention des professionnel·le·s du milieu artistique qui créent, produisent ou diffusent des œuvres de fiction. Un nouvel outil rédigé notamment en collaboration avec Jean-Philippe Baril Guérard. 

Disponible gratuitement en ligne, le guide d’accompagnement élaboré par l’Association québécoise de prévention du suicide est concis et rempli d’exemples concrets, ancrés dans l’écosystème culturel de chez nous. Ce document a été concocté par des professionnel·le·s de la prévention du suicide qui ont consulté une chercheuse en suicidologie et des acteur·trice·s du milieu culturel, dont Jean-Philippe Baril Guérard. 

Pour un·e créateur·trice, articuler un roman, une série, un film ou une pièce de théâtre autour du thème du suicide équivaut à naviguer en eaux troubles. Au Québec, trois personnes s’enlèvent la vie chaque jour, et on le sait, il reste beaucoup de travail à faire, entre autres, pour améliorer l’accès aux soins de santé mentale et sensibiliser davantage les gens.

L’effet de contagion lié au traitement médiatique de cas de suicides–ce que les chercheur·euse·s appellent l’effet Werther–n’est plus à démontrer. Ce phénomène tire son nom d’une vague de suicides au 18e siècle, à la suite de la publication d’un roman de Goethe dans lequel le jeune héros met fin à ses jours. Plus récemment, cet effet d’entrainement a été observé lors du décès du journaliste Gaétan Girouard, et plusieurs études suggèrent que la fiction peut, elle aussi, avoir un impact sur le risque de suicide par le biais d’un phénomène d’identification. 

Jean-Philippe Baril Guérard, aussi collaborateur à Nouveau Projet, explique ce qui l’a motivé à s’impliquer auprès de l’Association québécoise de prévention du suicide dans la préparation de ce guide d’accompagnement. Il revient sur ce qui l’a amené à revoir certaines de ses pratiques comme écrivain.


Pourquoi avez-vous accepté de siéger au comité pour la création de ce guide?

En 2019, une lectrice m’a contacté pour me dire qu’elle avait été choquée par la représentation du suicide dans mon roman Royal. À l’époque, ça m’avait quand même ébranlé. Je m’étais alors demandé si ça valait la peine d’aller jusqu’à choquer quelqu’un pour créer une œuvre. C’est à ce moment-là que je me suis dit que ce serait intéressant d’aller voir de l’autre côté, celui des organismes, pour amorcer une discussion.

J’ai alors créé des ponts avec les gens de l’AQPS, puis interviewé leur ancien directeur général, Jérôme Gaudreault, pour une chronique à la radio à l’émission Faites du bruit, sur les ondes de Radio-Canada. Ça m’a beaucoup fait réfléchir.

L’an dernier, l’AQPS est revenue vers moi pour me proposer de participer à l’élaboration du guide d’accompagnement et j’en ai profité pour recruter Jean-Simon Traversy, codirecteur artistique chez Duceppe, au sein de l’équipe du comité. C’est lui qui a travaillé avec moi à l’adaptation théâtrale de Royal.


Quel est le conseil qui vous a le plus marqué, et que vous vous promettez de mettre en application?

Honnêtement, je pense que c’est de faire attention de ne pas glorifier l’acte. C’est fortement déconseillé de présenter le suicide comme quelque chose de romantique.

Je n’ai pas été tenté de faire ça dans le passé, mais ça m’a fait prendre conscience de la portée de mes choix esthétiques, que ce soit dans le vocabulaire que j’emploie ou dans l’éclairage choisi, quand c’est pour le théâtre. Il faut toujours se poser la question: «Est-ce que j’ai l’air d’en faire quelque chose de beau?» 


Que répondriez-vous aux artistes qui hésiteraient à suivre le guide, de peur de voir leur travail dénaturé?

L’AQPS n’est pas là pour obliger qui que ce soit à faire quoi que ce soit. En plus, c’est le genre de contrainte qui peut devenir très enrichissante dans un contexte de création. Je ne pense pas que ça revienne à faire de l’art qui répond à une demande de santé publique. L’important, c’est de reconnaitre que ce que tu écris a une incidence sur le monde. En général, les artistes veulent avoir un impact—autant en avoir un positif.

En collaborant avec l’AQPS, je n’ai jamais eu l’impression qu’on m’enfermait, que je devenais le portevoix d’une cause et que ça venait colorer mon travail. Je ne me sens pas du tout castré. Les causes du suicide sont multifactorielles et travailler à la conception du guide m’a amené à réfléchir au développement de la psychologie de mes personnages, à des façons de les rendre plus complexes. Il n’y a pas un·e auteur·trice qui va dire: «Ça, non, ça ne m’intéresse pas.»

En plus, j’avais l’impression que les membres de l’équipe de l’AQPS étaient vraiment sensibles à la réalité des gens qui créent. Ils et elles n’étaient pas du tout déconnecté·e·s.


Une autre collaboration féconde

Avant d’être présentée au Théâtre Périscope en octobre dernier, la pièce Merci d’être venus a été relue attentivement par des spécialistes du Centre de prévention du suicide de Québec et de l’Association québécoise de prévention du suicide.

Écrit et interprété par Gabriel Morin, ce spectacle mis en scène par David Strasbourg raconte l’histoire de Frédéric, le grand frère de l’acteur, qui a commis l’irréparable. Des intervenant·e·s en prévention du suicide se relayaient chaque soir pour répondre aux questions du public, et pour offrir du soutien en cas de besoin.

Un roman qui en parle de façon habile

Je voudrais me déposer la tête

Jonathan Harnois

«Sans le savoir, puisque son roman est sorti en 2005, Jonathan Harnois applique l’une des suggestions du guide d’accompagnement de l’AQPS, celle qui consiste à montrer les conséquences d’un tel acte. C’est l’histoire d’un gars qui ne se remet pas du suicide de son ami. On n’est pas dans les détails scabreux, et le suicide ici ne constitue pas la fin de l’histoire. C’est un livre qui montre les répercussions d’un suicide sur l’entourage de la personne qui est partie, et c’est très, très bien fait.»

— Jean-Philippe Baril Guérard


L’Association québécoise de prévention du suicide s’implique dans toutes les sphères de la prévention du suicide au Québec. Organisme à but non lucratif fondé en 1986, l’AQPS compte aujourd’hui environ 200 membres.


Texte commandé par l’Association québécoise de prévention du suicide et réalisé par le Studio A10 dans le respect de ses lignes directrices.

Pour consulter les autres articles collaboratifs: atelier10.ca/nouveauprojet/type/partenaire

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