Journal d’une restauratrice à la retraite

Elisabeth Cardin
Illustration: Elisabeth Cardin
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Essai

Journal d’une restauratrice à la retraite

À l’image de Denis de Rougemont dans Journal d’un intellectuel en chômage (1937), notre collaboratrice, qui a annoncé la fermeture officielle du restaurant montréalais Manitoba à l’automne 2021, relate son nouveau quotidien à la campagne, loin du stress de la ville et de la restauration.

Considéré dans ce texte

La fatigue d’une restauratrice populaire. Dollarama, les variétés de jujubes et la tombe de la culture régionale. Les désillusions d’une citadine. L’émotion devant un sachet d’agastaches. Le retour à une vie plus lente et significative.

Je n’ai jamais voulu être restauratrice. En vérité, je pense que je ne l’ai jamais réellement été.

Ce que je voulais, quand j’ai ouvert le Manitoba en 2013, c’était transmettre des connaissances—dont plusieurs que je ne détenais même pas encore—sur notre territoire nourricier. Qu’avons-nous mangé à notre arrivée sur les flancs de Tadoussac? Qui sont les Premières Nations? Qui sommes-nous, nous? Où s’en va notre agriculture? Que mangerons-nous demain? Quelle place la nature occupera-t-elle dans notre alimentation? Pourquoi sommes-nous si ignorant·e·s de la chose alimentaire?

Plus égoïstement, j’avais envie de cueillir des plantes sauvages comestibles, de raconter mon histoire et de devenir la meilleure version possible de moi-même en buvant du vin nature.

Mais, de fil en aiguille, le milieu m’a avalée. J’ai perdu le Nord, le Sud, et tous les petits flags orange que j’avais accrochés sur mon chemin pour ne pas m’égarer. Je me suis éloignée de mes valeurs fondamentales et de mon besoin vital d’avoir les deux mains dans la terre et les deux pieds dans l’eau d’une rivière. La restauration, qui était censée me lier à la nature de manière presque divine, est devenue mon ennemie.

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