Défendre ses traditions
Face à une recrudescence de l’exploration minière, les gens de la MRC d’Abitibi-Ouest s’organisent pour que la vocation nourricière de leurs sols soit préservée.
Utilisée à bon escient, la biomasse forestière résiduelle pourrait favoriser la transition énergétique du Bas-Saint-Laurent.
Campé sur un plateau qui surplombe Rimouski, le village de Saint-Valérien s’est lancé il y a quelques années dans un projet devenu banal au Québec: son église a été désacralisée et convertie en centre communautaire. Mais l’initiative a ceci de particulier qu’on en a aussi profité pour évincer le mazout utilisé pour chauffer le bâtiment lors des grands froids.
Mine de rien, l’église brulait pas moins de 15 000 litres de combustible fossile par an. Depuis 2018, des résidus d’usines de sciage de bois compressés en granules ont pris le relais. La facture d’énergie a été divisée par deux, et l’émission de 50 tonnes de gaz à effet de serre est évitée chaque année, explique fièrement Patrick Morin, président du conseil d’administration du centre communautaire... et directeur adjoint du Conseil régional de l’environnement du Bas-Saint-Laurent (CREBSL). «Mes deux fonctions ont été parfois difficiles à dissocier lors de la transformation de l’église!», rigole-t-il. En effet, en plus de jouer le rôle d’agent de liaison entre la communauté et les architectes, il a profité de l’occasion pour appliquer une recommandation du CREBSL.
Fondée sur les principes de l’économie circulaire, la biomasse forestière résiduelle a tout pour plaire au Bas-Saint-Laurent, qui dispose de nombreux territoires de coupes. En mars 2021, le CREBSL a lancé un projet d’accompagnement des industries, commerces et institutions qui voudraient faire la transition vers cette énergie en remplacement des combustibles fossiles. Mais, pour bien faire les choses, la communauté doit apprendre de ses erreurs et choisir minutieusement ses sources d’approvisionnement.
Des exemples comme l’église de Saint-Valérien, il en existe déjà plusieurs au Bas-Saint-Laurent. Dès 2009, la région a réalisé la conversion de l’hôpital d’Amqui, un projet alors précurseur. On estime généralement que, pour que ce type de transformation en vaille la peine (tant sur le plan économique qu’énergétique), la distance entre la forêt où est collectée la biomasse et l’endroit où elle est brulée doit être de 100 kilomètres maximum. Les entreprises fournisseuses doivent donc être situées près des entreprises clientes, ce qui permet à une économie locale de se développer.
La biomasse qui alimente l’hôpital d’Amqui provient de la Coopérative forestière de La Matapédia. Le mazout a été remplacé par des copeaux obtenus en déchiquetant du bois sans valeur marchande (branches, cimes d’arbres et troncs dégradés). À Saint-Jean-de-Dieu, la coopérative Énergies nouvelles Johannoises a été créée pour alimenter en copeaux le réseau de chaleur municipal, qui dessert l’église, les deux écoles et un immeuble de 29 logements. «Si on veut travailler en circuit court et faire en sorte que l’argent reste dans la région, je pense qu’on ne peut pas avoir de modèle plus intéressant que ça», se réjouit le président de la coopérative, Giovanny Lebel.
Apprentissage à la dure
La pilule a cependant été plus dure à avaler pour les contribuables de Saint-Jean-de-Dieu: mal conçu, le système installé en 2014 a connu de gros ratés. Les pannes, la faillite du fournisseur des deux chaudières et la sous-estimation des couts de fonctionnement font perdre 40 000 dollars par année au village de 1 600 âmes, même si des correctifs ont depuis été apportés.
«Les mauvaises expériences qu’on a eues dans la région ont servi de laboratoire d’apprentissage à tout le monde», estime Patrick Morin, qui préfère regarder la moitié pleine du verre.
Ces déboires ont en tout cas permis à la coop Énergies nouvelles johannoises de développer une précieuse expertise. Initialement, elle devait seulement vendre la matière première, mais la municipalité lui a finalement demandé d’assurer la programmation et la maintenance du système—dont Giovanny Lebel affirme qu’il est aujourd’hui presque au point.
Énergies nouvelles Johannoises a aussi trouvé une nouvelle cliente à L’Isle-Verte: la coopérative agricole Agriscar, qui a décidé d’abandonner le propane pour sécher son grain et s’est tournée vers la biomasse en 2017. Ce choix s’est rapidement avéré judicieux: lors de la grève du Canadien
National de novembre 2019, Agriscar n’a jamais eu à craindre que ses céréales pourrissent par manque de propane acheminé par train. AgroÉnergie de l’Est, qui fournit l’église de Saint-Valérien en granules de bois, a de son côté fait la promotion de la biomasse dans les érablières locales. Basé à Biencourt, son président, Jacques Boucher, soutient qu’un million de litres de pétrole ont été économisés avec le remplacement d’environ 75 évaporateurs au mazout: «En moyenne, ils consomment autour de quatre gallons de mazout pour produire un gallon de sirop.»
Le mythe de la carboneutralité
Si l’on se fie à ceux et celles qui en font la promotion, la plus grande qualité de la biomasse serait d’être carboneutre. Cette affirmation doit toutefois être nuancée, d’abord parce que les activités de récolte et de transport sont polluantes, mais aussi parce qu’il faut quelques années pour que les gaz à effet de serre qu’elle dégage en brulant soient captés par la repousse de la forêt où elle a été prélevée—c’est ce qu’on appelle la «dette carbone».
À très court terme, la biomasse est même pire que le pétrole, avertit la professeure au Départe- ment des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval Évelyne Thiffault: «Par unité de CO2 produite, on obtient moins d’énergie avec la biomasse qu’avec les carburants fossiles.» Cependant, comme il s’agit d’une énergie renouvelable, il ne faut que quelques années pour rembourser la dette carbone de la biomasse résiduelle... contrairement à celle du pétrole.
Détenue à 50% par des propriétaires privé·e·s qui ont tout intérêt à bichonner leur gagne-pain, la forêt bas-laurentienne a bonne réputation et est largement certifiée FSC. Le CREBSL n’est donc pas gêné d’appuyer la filière biomasse, clame Patrick Morin. La Coopérative forestière de La Matapédia, qui approvisionne l’hôpital d’Amqui, estime récolter actuellement à peine 30% de ce qu’elle pourrait prélever sur les sites de coupes sans que ça affecte la régénération des sols et les besoins de la petite faune. Autrement dit: il y a de la marge pour le développement de la filière.
Une règle importante à retenir: plus la chaudière est grosse et atteint une température de combustion élevée, plus ses standards pour contrer l’émission de particules fines cancérigènes sont exigeants.
En se concentrant sur des gros bâtiments et des réseaux de chaleur, le Bas-Saint-Laurent semble donc avoir trouvé une solution écologique parfaitement adaptée à son contexte. Après plus de dix ans d’expérience, l’industrie de la biomasse s’est aussi assagie, juge Patrick Morin : « Au début, on parlait de mégaprojets d’exportation pour remplacer le charbon en Europe. Mais c’est un non-sens. Tu vas consommer l’équivalent de 40 % de la valeur énergétique de ta granule en carburant pour la transporter ! »
En ces temps où l’on parle beaucoup d’autonomie alimentaire, ce n’est sans doute pas une mauvaise idée d’aborder aussi la question de l’autonomie énergétique.
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