Le meilleur des spectacles vivants en 2023

Anne-Marie Olivier en compagnie d’une spectatrice dans «Maurice»
Anne-Marie Olivier en compagnie d’une spectatrice dans «Maurice»
Photo: Émilie Dumais
Publié le :

Les directeurs artistiques qui font bouger les choses au théâtre

Selon Christian Saint-Pierre, critique de théâtre


Philippe Cyr, au Théâtre Prospero

Annonçant franchement et prestement ses couleurs tout en respectant la mission du lieu établi sur la rue Ontario depuis près de 40 ans, le tandem Philippe Cyr (directeur artistique et codirecteur général) / Vincent de Repentigny (codirecteur général) a retenu des créateur·trice·s doué·e·s qui ont su prendre à bras-le-corps des textes exigeants. C’est ainsi que sont nés, en 2023, deux spectacles exceptionnels: Déclarations (Jordan Tannahill / Mélanie Demers) et Insoutenables longues étreintes (Ivan Viripaev / Philippe Cyr).

  • Photo: Gaëlle Leroyer

Olivier Arteau, au Théâtre du Trident

Depuis sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2016, le codirecteur du Théâtre Kata, auteur et metteur en scène de Doggy dans Gravel et Made in Beautiful (La belle province), œuvre à un alliage unique de kitch, de bouffon et de tragique. En 2023, Arteau a frappé fort en donnant naissance à Pisser debout sans lever sa jupe, une création collective qui aborde la vaste question de l’identité de manière vivifiante, grâce à un irrésistible mélange d’autofiction, de danse, de performance, de musique et de vidéo. Depuis qu’il a été nommé, la programmation du Trident est plus queer que jamais, férocement inclusive et joyeusement irrévérencieuse.

  • Photo: Sarah Rouleau

Les personnages féminins les plus parlants sur les planches

Selon Laurence Dauphinais, autrice, metteuse en scène et comédienne


Mama, Nathalie Doummar

Douze femmes se relaient au chevet du patriarche mourant. J’ignore si le chiffre est un miroir de Douze hommes en colère, la pièce de l’Américain Reginald Rose dans laquelle douze hommes forment le jury d’un procès pour meurtre. Douze hommes en colère dans l’espace public à devoir décider du destin d’un humain versus douze femmes en deuil accompagnant la fin d’une vie dans l’intimité d’une chambre. C’est ce rapport au soin qui m’a surtout frappée. Un rôle qui continue d’être, en grande majorité, la responsabilité des femmes. Je me demande chaque jour si c’est un drame ou une grâce.

L’écoute d’une émotion, Marie-Laurence Rancourt

Une animatrice de radio se souvient de sa liaison passionnelle avec un homme, et la décortique. Au Québec, le désir est un concept encore très genré et plus souvent vécu que discuté. Plaisir, jouissance, amour, sexualité, sensualité et pornographie se côtoient pêlemêle, comme si une chape de honte internalisée nous empêchait encore de faire la lumière sur tout ça. Ou comme si ne pas nommer allait augmenter l’intensité du ressenti. Le personnage de ce solo se positionne à l’opposé: elle prend du plaisir à investiguer son propre désir et à affirmer l’anarchie pulsionnelle qui la met en mouvement.

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Les finales les plus grandioses

Selon Marc-Antoine Sinibaldi, responsable de la boutique Atelier 10 et comédien


Je t’écris au milieu d’un bel orage, Dany Boudreault, mise en scène Maxime Carbonneau

La mort d’Albert Camus dans un accident de voiture en 1960 met un terme à sa relation passionnelle avec Maria Casarès, en même temps qu’à ce spectacle inoubliable. Comme un présage de la tragédie, le magnifique poème de García Lorca, «A las cinco de la tarde», est livré par la très convaincante Anne Dorval, juste avant que s’écrase sur scène une voiture suspendue en hauteur tout au long de la pièce. Le choc passé, on assiste à la rencontre bouleversante entre Catherine Camus et Maria Casarès dans le trou laissé par le lit disparu des deux amants.

Les jolies choses, Catherine Gaudet

Au bout d’une heure de danse en continu et en parfaite synchronicité, le corps des cinq interprètes est trempé de sueur, les respirations sont saccadées, et nous sommes complètement avec eux et elles dans cet état presque hypnotique. Quand soudainement, la musique répétitive du compositeur Antoine Berthiaume, qui ponctuait tous leurs mouvements, devient un morceau de métal hardcore. Un spectacle envoutant et rigoureux dont on se souviendra longtemps.

Abraham Lincoln va au théâtre, Larry Tremblay, mise en scène Catherine Vidal

Catherine Vidal clôt de façon spectaculaire ce récit qui joue sur la fine frontière entre la vérité et le mensonge en politique: les acteurs, affublés d’un masque de Donald Trump, retiennent par des cordes un clown gigantesque qui se gonfle sur scène. Accompagnée de lumières stroboscopiques, de feux de Bengale géants ainsi que d’un montage sonore de discours politiques et d’une musique de cirque inquiétante, cette finale m’a fait pouffer de rire. Jusqu’à la chute du rideau: un immense drapeau des États-Unis qui recouvre toute la scène.

Quand le cirque s’en va à la messe: top trois des églises circassiennes

Selon Aurélie Guye-Perrault, agente de diffusion, compagnie de création Le Gros Orteil


Depuis que le père Michel Laurin, au début des années 1980, a érigé dans la cour de l’église Sacré-Cœur de Montréal un chapiteau pour accueillir les spectacles de cirque de l’époque, d’innombrables clochers de la province continuent d’accueillir des circassien·ne·s. Cette année, il fallait voir la programmation du Cabaret de Cirque au Centre St Jax, situé dans l’ancienne église néogothique St Jax, à Montréal, mais aussi celle de La petite église, à Saint-Eustache, ou encore celle du Théâtre de Massueville, dans l’église de la municipalité du même nom.

  • «Le Cabaret du jugement dernier», Centre St Jax
    Photo: J-F Savaria

Les trois humoristes de la relève à surveiller

Selon Pier-Luc Ouellet, chroniqueur et auteur humoristique


Brick et Brack

Ces deux pseudopoètes séparatistes des années 1970 en sont peut-être à leurs débuts, mais ils ont tout de même rempli à craquer le Club Soda d’un public enflammé (et éméché) à leur dernier party de la Saint-Jean.

  • Photo: Sacha Bourque

Mégan Brouillard

Au rythme où sa carrière évolue, c’est surement la dernière année où elle peut se retrouver dans un top «relève». Impossible de ne pas tomber en amour avec son franc-parler hilarant et sa personnalité à la fois bourrue et attachante.

Brian Piton

Les fans de Jean-Thomas Jobin et des Denis Drolet peuvent arrêter d’espérer: la relève est arrivée. Brian Piton a un humour absurde et complètement unique qui fera taire les mauvaises langues qui prétendent que les humoristes sortant de l’École se ressemblent tou·te·s.

  • Photo: Hugo B. Lefort

Les trois meilleurs spectacles de cirque

Selon Aurélie Guye-Perrault, agente de diffusion, compagnie de création Le Gros Orteil


Waves, Anouk Vallée-Charest

Un solo aérien intime et saisissant.

Robot infidèle, compagnie Machine de cirque

Une frénésie poétique et des numéros de mât chinois à couper le souffle.

The Pulse, compagnie Gravity & Other Myths

Un voyage sensoriel humain et sensible.

Les trois humoristes les plus wokes

Selon Pier-Luc Ouellet, chroniqueur et auteur humoristique


Anne-Sarah Charbonneau

Cette jeune humoriste parle de féminisme et d’homosexualité avec une bonhommie qui la rend adorable. À découvrir sur les réseaux sociaux ou sur scène, notamment au Womansplaining Show, qu’elle coanime avec Noémie Leduc Roy.

  • Photo: Ariane Famelart

Colin Boudrias

Son nouveau spectacle, Juste de l’amour, traite de coparentalité et de modèles familiaux alternatifs, mais d’une façon qui fera rire même votre tante qui trouve que ça va trop loin «ces affaires-là». Son premier one-man-show, Un câlisse de rayon de soleil, est visible gratuitement sur YouTube.

  • Photo: Steven Peng

Emna Achour

Elle roule sa bosse depuis quelques années dans les soirées d’humour et a déjà prêté sa plume à plusieurs projets. Mais c’est cette année qu’elle s’est démarquée, en lançant le compte Instagram Pas de filles sur le pacing, qui a forcé le boys’ club de l’humour à se regarder dans le miroir.

  • Photo: Ariane Famelart

Les meilleures prestations d’Anne-Marie Olivier depuis son retour sur scène

Selon Émilie Rioux, journaliste culturelle et passionnée de théâtre


Cette autrice accomplie à la parole lumineuse occupait la direction artistique du Théâtre du Trident depuis 2012. On l’a retrouvée sur les planches de ce même théâtre dans Quinze façons de te retrouver, un monologue d’autofiction sur les ruptures familiales. Quelques mois auparavant, on avait pu la voir à La Bordée dans La paix des femmes, mise en scène par sa complice de longue date Véronique Côté. Néanmoins, c’est avec sa pièce solo Maurice, créée au Théâtre Périscope et au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, qu’Anne-Marie Olivier a rappelé au public toute sa sensibilité d’interprète en incarnant un sympathique travailleur atteint d’aphasie.

  • «Quinze façons de te retrouver»
    Photo: Stéphane Bourgeois

Les jeunes compagnies qui se sont illustrées au théâtre Premier Acte

Selon Émilie Rioux, journaliste culturelle et passionnée de théâtre


Ce printemps a été le théâtre de multiples surprises dans cette petite salle d’une centaine de places. Après le succès de Fièvre, l’autrice et metteuse en scène Rosalie Cournoyer a captivé l’assistance avec L’œil, une deuxième production de la compagnie Vénus à vélo qui a su redoubler d’originalité en traitant de notre relation au corps à travers le prisme de l’art visuel. Effectuant une entrée tout aussi fracassante en fin de saison, la compagnie L’homme qui a vu l’ours a présenté L’inframonde à guichet fermé, dans une mise en scène de Maxime Perron.

  • «L’Œil»
    Photo: David Mendoza Hélaine

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