Les 1001 pots de Kinya Ishikawa

Anne-Marie Benoit
Photo: Nancy Guignard
Publié le :
Visages du Québec nouveau

Les 1001 pots de Kinya Ishikawa

Arrivé à Val-David en 1980, le fondateur de 1001 pots nous a ouvert les portes de son atelier.

Kinya m’accueille dans son atelier où s’entassent ses œuvres—tasses, bols et théières—à différents stades de production. Il ouvre son séchoir pour me montrer le mouvement de la terre mouillée d’une théière à peine tournée. En m’expliquant les étapes nécessaires pour transformer le grès ou l’argile en objets usuels, il me tend ses créations pour que je touche leur texture, comme le fini mat et sec d’un bol sortant du four.

Sous ses mots, je comprends qu’il s’agit d’un art qui demande patience et maitrise, même s’il prétend ne détenir ni l’une ni l’autre. Je cerne alors l’humilité peu commune qui habite l’homme. Comme il parle des objets qu’il crée, je sens la résonance qu’ils ont dans sa vie. Il reproduit chaque pièce encore et encore, pour observer son évolution, apprendre d’elle, parfaire sa technique. Cette répétition, il l’effectue dans le silence et la solitude, où il donne vie à des céramiques qui s’insèrent dans le quotidien d’inconnu·e·s. 

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C’est une communauté d’amoureux·euses de la poterie qui se tisse sous les mains d’artisan·e·s comme Kinya, reliée par la beauté des objets choisis, la grâce des mouvements qu’ils provoquent. Ses doigts se posent sous un bol, le pouce sur la tranche, et il me mime comment y boire un liquide encore brulant. La forme influence l’usage, les gestes, me confie-t-il. Et ce sont ces gestes qui font vivre son art, la relation à l’objet qu’entretiennent ceux et celles qui utilisent ses créations.

Il y a 34 ans, cherchant à donner un visage à cette communauté, il a rassemblé à Val-David une cinquantaine de céramistes pour une exposition—1001 pots—qui est aujourd’hui la plus importante du genre en Amérique du Nord. L’été, le village s’anime de personnes passionnées et curieuses, alors qu’on voyage d’un peu partout pour y assister.

  • Photo: Nancy Guignard

Il m’entraine hors de son atelier pour une visite guidée des Jardins de silice, installation artistique en constante évolution, qu’il a entreprise il y a plusieurs années pour récupérer les poteries abimées de l’évènement. La chose brisée n’est pas jetée, emportée on ne sait où: elle est exposée, insufflée d’une nouvelle vie. Chaque pièce est placée avec soin à l’intérieur de cette structure de métal, dont le matériau brut contraste avec les plantes qui y grimpent et la délicatesse des porcelaines emprisonnées dans ses murs. 

Kinya construit ses plans en continuité avec ce qui existe déjà dans son environnement, suivant la tradition est-asiatique shakkei—«vues empruntées» en japonais. D’une certaine perspective, le toit des Jardins se superpose au clocher de l’église qui se dresse en contrebas; d’un peu plus loin, l’apex de la structure se couronne de la croix. Cette structure des Jardins de silice est un héritage donné et emprunté au paysage que nous habitons, un espace convivial où peuvent se rassembler les humains de notre communauté val-davidoise pour tout genre d’évènement.

Kinya est un visage bien connu et aimé des Laurentides. Non seulement parce qu’il a contribué à son économie et à son rayonnement avec l’exposition 1001 pots, mais aussi parce qu’il a provoqué des rencontres qui sont devenues des rendez-vous, puis, lentement, une tradition. S’il a déposé ce projet en d’autres mains il y a deux ans afin de se concentrer sur la poterie et ses Jardins, on entend qu’il a encore beaucoup à donner. Notre entretien communique son amour du partage et de la transmission, et il m’avoue qu’à 80 ans, il souhaiterait un plus grand dialogue entre les générations.


Anne-Marie Benoit a étudié la littérature et la création littéraire à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal, puis elle a fait autre chose. Elle essaie de retourner à la langue comme on revient à soi-même.

Kinya recommande…

Les Laurentides en hiver ouvrent l’espace sur l’imaginaire. Le sol recouvert de neige limite les accès et force à ajuster les parcours. Il faut voir au-delà de la rudesse du froid pour trouver la beauté, puiser en soi face au vide du paysage.

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