Les identités victimaires

Ralph Elawani
Illustration: Jeff Kulak
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Commentaire

Les identités victimaires

Né sur les campus américains, un certain discours identitaire se fait de plus en plus présent dans la sphère publique. Mais ce désir sincère de protéger les minorités et les exclus n’est-il pas en train de se transformer en mouvement de censure et d’anti-intellectualisme?

Considéré dans ce texte

La rectitude politique. L’obsession sécuritaire et sa novlangue. La culture de la délation. L’incursion du domaine privé dans la sphère publique. La victoire de l’émotion sur la raison.

Il fallait lire les échanges sur les réseaux sociaux, quelques semaines avant l’édition 2015 d’Expozine, pour avoir une idée du sens prophétique des mots qu’avait tenus, en 1793, le journaliste royaliste français Jacques Mallet du Pan: «À l’exemple de Saturne, la révolution dévore ses enfants.» En l’espace de quelques heures, cette foire montréalaise de la presse imprimée indépendante était soudainement devenue un symbole de capacitisme—une forme de discrimination envers les individus handicapés—et de transphobisme.

La source du contentieux se trouvait dans un échange publié sur la page Facebook de l’évènement, qui se déroule chaque année dans le sous-sol de l’église Saint-Enfant-Jésus du Mile-End, à Montréal: «Is the venue accessible to people in wheelchairs?» «Not really, no»: la courte réponse de l’organisateur, Louis Rastelli, venait d’ouvrir une boite de Pandore.

Ajoutons à cela le fait que les sous-sols d’églises centenaires sont rarement équipés de toilettes mixtes, et le débat allait atteindre le triste stade où l’on en vient à prendre sa colère pour seule guide. Mais pourquoi cette année? Et surtout, pourquoi Expozine, un évènement qui fait partie des plus riches exemples de rassemblement fédérateur et «transcommunautaire», et qui regroupe peut-être encore plus de membres de la communauté lgbtq que les salons du livre anarchiste et Queer entre les couvertures?

Depuis 2002, les initiateurs de cette foire de deux jours s’étaient toujours débrouillés pour accommoder de leur mieux les individus vivant avec un handicap. Mais en 2015, lorsque des membres du groupe Radical Accessibility Audit Project (raap) se sont mis en tête de construire une rampe d’accès (non homologuée et surtout, non sollicitée), la démesure a dépassé le simple boycottage de la part de l’exposante à l’origine de la polémique.

Rastelli insiste sur le fait que si le raap était passé de la parole au geste en construisant une rampe artisanale, cela aurait pu lui couter l’anulation de l’évènement, en raison notamment des règlements municipaux et provinciaux quant à l’accès aux bâtiments. Combien de personnes auraient réellement bénéficié d’une rampe artisanale, considérant qu’Expozine a toujours pu s’adapter aux situations problématiques en les traitant au cas par cas? Là n’était pas la question, si l’on se réfère aux demandes du groupe, pour qui la situation semblait exiger un ralliement autour du mot d’ordre des guérilléros uruguayens Tupamaros, «¡O Bailan todos, o no baila nadie!»: ou bien tout le monde danse, ou bien personne ne danse.

Lorsque Rastelli a demandé aux plaignants pourquoi ils ne s’attaquaient pas aux stations de métro et autres endroits très fréquentés où l’accessibilité est réduite, leur réponse a été, en peu de mots: «Nous n’y allons pas, là-bas, nous.» Nous? Mais au nom de qui parlaient-ils, au juste?

Se pourrait-il que, depuis quelques années, ce pronom devienne de moins en moins inclusif, alors que les grands projets collectifs se voient abandonnés au profit de revendications de plus en plus parcellaires? La moindre incapacité à répondre sur-le-champ à la demande la plus pointue ou à s’adapter à n’importe quel particularisme semble désormais susceptible d’entrainer des condamnations. Cela finit par mettre sur un même plan des bagatelles et des mouvements comme «Black Lives Matter», noyant ainsi les enjeux réellement pressants. Les groupes qui se réclament de cette infinité de nouveaux «nous» oublient-ils le décalage culturel et universitaire auquel ils font parfois face? Le manque de perspective sociétale, le risque de dérapage inhérent aux réseaux sociaux, ainsi que le besoin de nourrir la machine à sensationalisme des médias semblent signer l’arrêt de mort des discours critiques, au profit d’une apparente forme de rectitude morale qui ne profite pas réellement aux groupes marginalisés.

  • Illustration: Jeff Kulak
    Illustration: Jeff Kulak

La voix de la minorité morale

On ne compte plus les dérives populistes inscrites dans cette mouvance soi-disant progressiste et relayées par les médias, qu’il s’agisse de géants comme BuzzFeed, Gawker et Vice, ou d’organes de diffusion très nichés, portevoix de minorités pointues (blogues, zines, comptes Instagram spécialisés, etc.). Mais le phénomène a aussi son corolaire: le nombre d’articles qui dénoncent l’inanité de certaines de ces doléances est lui aussi en hausse.

À titre d’exemple, dans un revirement de situation qui tient du vaudeville, un boycottage inverse à celui d’Expozine s’est opéré sur les médias sociaux pour dénoncer «les dérives sécuritaire, manichéiste et essentialiste de la Radical Queer Semaine (RQS) 2016». C’est qu’en avril dernier, le comité d’organisation avait annoncé son «cabaret-bénéfice radical et queer». La liste des ressources que l’on trouvait sur la page Facebook de l’évènement donnait le ton: «Espace accessible aux fauteuils roulants [...], toilettes neutres, flashs de caméras non autorisés, aucun stroboscope ni boule disco sur place, espace calme (safe space) aménagé [comprenant pâte à modeler maison, matériel de tricot, balles antistress, livres à colorier et écouteurs diffusant de la musique douce], assurance que tous les espaces seront “sans odeur” [invitation explicite aux participants à n’utiliser ni parfums, ni eau de Cologne, ni produits cosmétiques odorants, etc.], savon à main sans parfum offert dans les toilettes, billets de métro/bus fournis sur demande, interprètes en langue des signes [sic] également disponibles.»

Aussi tirés par les cheveux soient-ils, ces exemples reflètent une volonté louable d’accommoder le plus grand nombre de personnes. Mais leur démesure témoigne également d’une évolution des mœurs soi-disant révolutionnaires qui ont pris leur place en aval des mouvements contestataires des années 1960.

En entrevue, le sociologue et chroniqueur Fabien Loszach m’explique que notre société contemporaine est caractérisée par l’atomisation des revendications et des luttes. Ainsi, l’idée d’une convergence des combats, souvent fantasmée par la gauche, n’a probablement que très peu de chances de se réaliser [en Occident, du moins], notamment parce que ces combats sont parfois concurrents ou n’ont pas d’intérêts communs. On a pu le constater récemment, par exemple, quand des mouvements féministes et antiracistes américains ont attaqué la transgenre Caitlyn Jenner et Rachel Anne Dolezal [une ex-dirigeante de la National Association for the Advancement of Coloured People, au centre d’un scandale en 2015, lorsqu’il fut révélé qu’elle n’avait pas la moindre goutte de sang afro-américain, bien qu’elle s’identifiât comme Noire, ndlr] sur la légitimité de leur identité respective.

Dans l’article «The Coddling of the American Mind», publié dans The Atlantic en septembre 2015, l’avocat Greg Lukianoff et le psychologue Jonathan Haidt s’inquiètaient des dangers guettant cette génération qui se complait sans démarche précise dans ses safe spaces. Une jeunesse qui trouve pertinent d’exiger l’insertion de trigger warnings (avertissements préventifs) au début d’œuvres littéraires telles Les métamorphoses d’Ovide ou Mrs Dalloway, le roman de Virginia Woolf dans lequel certaines idées suicidaires pourraient provoquer des dommages psychologiques à la gent estudiantine. 

Dans le même esprit, on se souvient du tollé soulevé plus tôt cette année, par des étudiants de l’Université Emory, en Géorgie, «traumatisés» par l’apparition de slogans pro-Donald Trump écrits à la craie sur les murs de leur campus. N’est-on pas en train d’oublier que la démocratie nécessite de faire face à l’altérité? Qu’elle implique d’aller au-delà du solipsisme, cette manière d’ériger son idée de la rectitude comme une vérité dogmatique?

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Quand les mots dévorent les concepts

Comme le soulignaient Lukianoff et Haidt, l’analyse des moteurs de recherche indique que l’expression trigger warning a fait irruption dans le langage courant vers 2011 (surtout par le biais de forums féministes) et a atteint un niveau record en 2015. Selon les deux chercheurs, apparemment du jour au lendemain, des étudiants d’universités américaines ont commencé à exiger que leurs professeurs émettent de tels avertissements avant que soient diffusés des contenus pouvant susciter une réponse émotionnelle négative.

Ces éléments nous ramènent à une interrogation fondamentale soulevée par le journaliste du New Yorker Nathan Heller, dans son article «The Big Uneasy: What’s roiling the liberal-arts campus?», publié au printemps dernier: à quel point ces mouvements ont-ils été générés par la recherche académique et le vocabulaire que celle-ci a établi?

En effet, l’introduction, dans le discours de la génération Y nord-américaine, du vocabulaire universitaire qui caractérise les identités victimaires (safe space, microagression, trigger warning, white privilege, cultural appropriation et male gaze sont sans conteste le résultat d’études en sciences sociales) montre que ce nouveau militantisme est traversé davantage par des questions individuelles et identitaires que par des préoccupations collectives et sociales. Ainsi, des revendications auxquelles on aurait attribué autrefois une importance moindre prennent l’envergure de débats structurels nécessaires, comme la parité des salaires hommes-femmes ou l’accessibilité aux études supérieures. Pis encore, les «limites» au discours engendrées par certaines revendications permettent de se cantonner dans des positions qui empêchent la réfutation de discours antagonistes. Comme si, une fois devant Donald Trump ou Marine Le Pen, il suffisait de les traiter de racistes pour voir ces chimères disparaitre, sans avoir à se questionner sur les raisons de la montée du populisme dans nos sociétés.


N’est-on pas en train d’oublier que la démocratie nécessite de faire face à l’altérité? Qu’elle implique d’aller au-delà du solipsisme, cette manière d’ériger son idée de la rectitude comme une vérité dogmatique?


Ceci dit, si une certitude demeure, c’est le fait que la rhétorique politiquement correcte et le langage victimaire peuvent s’avérer de redoutables censeurs, particulièrement au sein des communautés dites alternatives qui se voient progressivement étouffées par la rectitude politique. On repensera par exemple à la controverse suscitée par le nom du groupe indie rock Viet Cong. En 2015, une opposition à ce patronyme (choisi pratiquement par hasard par les quatre Calgariens) s’est créée, dans une nuée de pancartes «Not your culture». Comme si la souffrance et l’héritage de la guerre du Vietnam étaient des monopoles exclusifs. Soucieux de préserver son image, Viet Cong s’est depuis rebaptisé Preoccupations.

Mais exiger de ce groupe un devoir de bienséance n’était-il pas aussi grotesque que de percevoir du militantisme Black Panthers dans la prestation de Beyoncé au Superbowl 2016? Les éloges de la performance de la chanteuse afro-américaine rivalisaient d’ailleurs d’insignifiance avec ceux qui ont été faits, en mai 2016, au magazine québécois Summum. Celui-ci offrait à ses lecteurs une transgenre en couverture, pour la première fois. Comme les magazines de cet acabit se félicitent pour leur apport au féminisme et aux luttes des -lgbtq en déshabillant tous les mannequins de la même manière, on ne pouvait que rire jaune en lisant dans ce même numéro de Summum la chronique de Stéphane Gendron, dans laquelle celui-ci rectifiait les faits au sujet du féminisme, en soulignant que «toutes [...] les revendications énoncées sous le couvercle [sic] du féminisme et de la lutte des femmes n’existent plus et ne sont qu’une fiction».


Quand le bannissement suscite l’intérêt

Apanage des groupes de mères chrétiennes indignées et des femmes de politiciens en manque de couverture médiatique, les comités de censure ont explosé durant les années 1980, que ce soit pour dénoncer les chansons de Twisted Sister, les incitations à la masturbation de Cindy Lauper ou les messages sataniques contenus dans les jeux de Donjons et Dragons. Adam Parfrey, fondateur de Feral House, auteur de la collection d’essais Apocalypse Culture et éditeur de figures controversées telles Anton Szandor LaVey et Jim Goad, peine à contenir son cynisme en se rappelant cette époque de «panique satanique» et la manière dont les grandes chaines ont boycotté plusieurs publications de sa maison d’édition: «Quand vous censurez des informations, cela créé souvent de l’intérêt pour celles-ci. Je ne sais pas si les censeurs en sont conscients.»

Néanmoins, et cela semble symptomatique de la génération Y, cette tendance à la censure glisse de plus en plus vers les individus soi-disant «libéraux». Comme l’expliquait une professeure de l’Oberlin College, en Ohio, à Nathan Heller du magazine New Yorker: «Ma génération a combattu Tipper Gore [l’ex-épouse d’Al Gore, qui a prôné le blocage de plusieurs chansons, durant les années 1990, ndlr], qui voulait qu’on appose des avertissements sur certains albums. Mes étudiants veulent des avertissements sur la matière de leurs cours. Une partie de moi a l’impression que mes étudiants de gauche font le travail de la droite.»


L’indignation et la rapidité à condamner dont nous avons été témoins au cours des dernières années ont plusieurs choses en commun: l’impatience, la confusion, le refus de l’autocritique et le manque de jugement.


Of the North, le collage controversé de vidéos d’individus d’origine inuite trouvés sur YouTube par le réalisateur montréalais Dominic Gagnon, est peut-être l’un des meilleurs exemples récents de cette dérive contreproductive: l’hyper-sensibilité affichée par certains peut étouffer tout discours critique, et l’un des arguments brandis (l’«appropriation culturelle») se vider complètement de sa portée réelle. Retiré de la programmation des Rendez-vous du cinéma québécois en 2016, le long métrage a sans aucun doute atteint un niveau de popularité (et d’impopularité) qu’aucun festival n’aurait pu lui apporter.

Le cinéaste québécois Robert Morin, signataire d’une lettre d’appui à Dominic Gagnon (aux côtés de Bernard Émond, d’Hélène Farajdi, de Maxime Giroux, d’Anne Émond et de plusieurs autres) a travaillé auprès des Premières Nations et souvent dénoncé l’hypocrisie du gouvernement à leur égard. Il explique: «En tant qu’artiste, ton devoir n’est pas de bloquer l’opinion de l’autre, mais d’en produire une adverse. Je voulais aller voir la projection de Dominic et il y avait toute une cohorte qui s’était donné le mot pour le blaster. Tu te dis: “Y’est où, Voltaire? Je suis contre ce que vous dites, mais je vais me battre jusqu’à la mort pour que vous puissiez le dire”.»

Mathieu Grondin, programmateur aux Rendez-vous du cinéma québécois, précise que même si Gagnon avait été d’origine inuite, les avis auraient sans doute tout de même été partagés. Il cite le cas de Jeff Barnaby, réalisateur d’origine micmaque, dont le remarquable long métrage Rhymes for Young Ghouls a été accueilli avec froideur en 2015 par certains membres des communautés des Premières Nations. «On lui a dit: tu renvoies des images qui renforcent les stéréotypes négatifs. Mais son point est: si l’on manifeste, c’est qu’il y a des problèmes et on ne peut pas les cacher si l’on veut être entendus.»


L'état: le docile instrument de ceux qui savent s’en servir?

Qu’en est-il de l’impact de la rectitude politique sur la politique elle-même?

En juin 2015, le gouvernement libéral de Philippe Couillard, par la voix de sa ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, déposait le projet de loi 59, «concernant la prévention et la lutte contre le discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes». Bien qu’il fût affublé d’un nom risquant peu de polariser les opinions, le projet de loi se révélait un autre exemple de la manière dont les mots peuvent dévorer les concepts. En effet, au nom de la prévention et de la sanction des discours haineux—pourtant déjà prohibés par le Code criminel—, un véritable arsenal de mesures draconniennes (et inédites), comme la création d’un comité de dénonciation au sein de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, la publication d’une liste de coupables sur son site web, et la volonté de s’immiscer dans la liberté académique des professeurs, était envisagé.

Avocate et ancienne bâtonnière du Barreau de Montréal, Julie Latour a représenté, avec Julius Grey, un regroupement de juristes qui a déposé à la Commission des institutions de l’Assemblée nationale du Québec un mémoire pourfendant ce projet de loi. Elle explique: «J’ai vraiment été effarée de voir à quel point ce projet était liberticide et attentatoire à la liberté d’expression, et qui plus est, de constater l’apathie inexplicable des médias face à cette volonté de policer le débat public. Après tout, la liberté d’expression est l’oxygène d’une démocratie.»

En effet, alors que des études étaient sans cesse réclamées pour appuyer la Charte de la laïcité du Parti québécois, aucun média ne semblait réellement s’enquérir des assises factuelles du projet de loi lors de son annonce initiale. Dans l’éventualité où une quelconque autre institution avait voulu se doter de pouvoirs similaires à ceux qui étaient annoncés par le projet de loi 59, la Commission des droits de la personne n’aurait-elle pas été la première à légitimement s’inquiéter?

L’indignation et la rapidité à condamner dont nous avons été témoins au cours des dernières années ont plusieurs choses en commun: l’impatience, la confusion, le refus de l’autocritique et le manque de jugement. Au printemps 1968, un aphorisme se lisait comme suit sur les murs de la Ville Lumière: «Un flic dort en chacun de nous, il faut le tuer.» Afin de bien nous en convaincre, demandons-nous quel genre d’environnement sociétal génère cette hypersensibilité douteuse, brandie au nom de la rectitude politique. Quelle possibilité nous laisse-t-elle de nous frotter à l’altérité? Ne finit-on pas par engendrer des êtres-victimes ultraprivilégiés?

À l’heure où les délations deviennent héroïques et où la marchandisation de l’information et des données sont les vecteurs du capitalisme 3.0, il est nécessaire de démontrer que la dérive de la rectitude politique crée un climat de paranoïa à la fois démesuré, anti-intellectuel et liberticide qui a des répercussions autant dans la sphère des arts qu’au sein des gouvernements. Désirons-nous à ce point posséder le monopole de la souffrance? 


Ralph Elawani est journaliste indépendant et essayiste. Il est l’auteur d’une biographie de l’écrivain et cinéaste Emmanuel Cocke et d’un essai sur la contreculture au Québec, Les marges détachables. Il a collaboré à plusieurs ouvrages collectifs, dont Bleu nuit, Satanic Panic, L’ère-seconde et Yuletide Terror.

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