Les moins belles histoires des pays d’en haut

Catherine Eve Groleau
 credit: Photo: Conrad Poirier / Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Photo: Conrad Poirier / Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Publié le :
Essai

Les moins belles histoires des pays d’en haut

L’Estérel a récemment fait les manchettes pour ses tirs louches et ses histoires de vendetta en robe de chambre. Mais la destruction de son dernier bâtiment art déco, en mai dernier, est malheureusement passée sous silence. C’est pourtant une grande perte pour l’architecture moderne et pour la population de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson.

Considéré dans ce texte

Le baron Empain. Le Domaine de l’Estérel. Les «playboys» des Laurentides. L’architecture art déco et moderniste. Claude Henri Grignon. L’empire immobilier d'Olymbec.

Valeriy Tarasenko, cet homme russe atteint par balle au Estérel Resort pendant la fin de semaine de l’Action de grâce, ne représente que la pointe de l’iceberg immergé sous les eaux d’un lac peuplé d’une faune exotique. Dans ce marais de gens mauvais, depuis de nombreuses années, des édifices patrimoniaux tombent par magie, des bâtiments brulent et de prospères hommes d’affaires font la pluie et le beau temps en détruisant le patrimoine québécois tout en évitant la case prison.

Quand j’étais petite, la longue route sinueuse vers Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson et Estérel était aussi excitante que des montagnes russes. De la fenêtre baissée de la voiture de mon père, entre les haut-le-cœur et les sensations fortes causés par les dénivellations et les virages abrupts, je voyais défiler un paysage disparate qui annonçait le fossé entre les riches domaines cerclés de pâturages de chevaux, les montagnes de ski et les hôtels alpins luxueux en bois rond, d’un côté, et les petites maisons délabrées jonchées d’ordures et de carcasses de chars, de l’autre.

Le clivage social entre l’univers des résident·e·s permanent·e·s et celui des habitant·e·s de passage s’est creusé avec la création du train du Nord qui fut inauguré en 1876. À l’époque, le curé Labelle voulait sortir les colons laurentiens de l’isolement, surtout pendant les rudes hivers. Avec les années, la vocation du train changea et il devint le transporteur des skieur·euse·s en partance de Montréal. Pour les mieux nanti·e·s de la métropole, le train fut ensuite remplacé par la voiture. C’est dans son Alfa Romeo des trépidantes années 1960 que mon père rangeait ses skis avant de remplacer cette voiture, 20 ans plus tard, par une Cadillac plus spacieuse pour ses quatre enfants. Avoir les sapins comme seuls témoins contribua à attirer une faune disparate de playboys, d’aventuriers, d’amateurs de sensations fortes, une faune à l’image de mon père, qui n’avait pas nécessairement les textes des lois tatoués sur les bras.

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