Les larmes des femmes sont dangereuses
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Chaque année, Québec perd des centaines de jeunes professionnel·le·s au profit de Montréal, dont Catherine Genest. La cheffe de pupitre numérique à Nouveau Projet a eu envie de se pencher sur ce déracinement perçu comme une fatalité par plusieurs, mais qui demeure très peu documenté.
Une ville fortifiée qui se vide de ses talents. La trentaine. La quête du bonheur. Canadian Bacon et Hubert Lenoir. Les proverbiales radios poubelles. Dialogue avec l’histoire de Jean-Pierre Raynaud. La Cité-Limoilou et les banlieues.
Fatiguée de vivre dans les 22 km2 de l'arrondissement La Cité-Limoilou, de patauger comme un poisson rouge qui se heurte aux parois de son bocal, j’ai mis ma vie en boites et, à 29 ans, je suis partie vivre à Montréal.
La trentaine imminente m’apparaissait comme une date butoir, comme la dernière chance pour m’émanciper d’une ville que je connais par cœur. J’en avais fait le tour 100 fois—de ses côtes mal déglacées en hiver à son offre limitée sur les applications de rencontres.
Si j’étais restée jusque-là, m’évertuant à reconstruire mon petit cercle social de zéro chaque fois que mes ami·e·s partaient pour Montréal, c’est parce que j’occupais à Québec mon poste de rêve. J’étais journaliste pour Voir, et la passion que j’éprouvais à faire mon métier me poussait à négliger mon cœur qui crevait de faim. Je résistais à l’appel de la grande ville pour des raisons professionnelles, bien sûr, mais pour des impératifs financiers également. J’avais acheté ce condo dans le quartier Saint-Jean-Baptiste en 2014. La bulle immobilière qui fait les manchettes à Montréal n’existant pas en Haute-Ville, mon appartement n’a pas gagné en valeur depuis presque une décennie, et ce que je croyais être un bon investissement s’est en fait avéré un boulet.
J’ai relu ce texte une bonne centaine de fois pour en peser chaque mot. Sorte d’hybride entre la chronique et la petite enquête, il me sort de ma zone de confort parce que j’y écris à la première personne, mais aussi, et peut-être surtout, parce que j’y aborde un thème délicat et sensible, celui de mon propre exil.
C’est un choix de sujet qui chagrinera forcément mes parents, et qui déplaira sans doute à mes ancien·ne·s collègues journalistes dans la Vieille Capitale. Québec m’a rassasiée en tous points sur le plan professionnel, mais à présent, je n’ai dans cette ville qu’une poignée de très bonnes connaissances, aucun·e ami·e proche. Après dix ans de célibat involontaire, j’ai aussi fini par comprendre que mes chances d’y trouver l’amour étaient aussi minces que de trouver un vol Québec-Paris à moins de 800$ en été.
Une bonne partie des gens que j’ai connus en trainant au défunt Cercle et à La Cuisine ont fini par refaire leur vie à Montréal, et ça comprend l’absolue totalité de mes ami·e·s les plus intimes, c’est-à-dire la famille que j’ai choisie.
Le phénomène, archicommun dans mon réseau social, m’a toujours semblé généralisé, mais il est difficile de le quantifier. Oui, l’Institut de la statistique du Québec s’intéresse aux migrations interrégionales, mais en mettant toutes les données du vaste territoire de la Capitale-Nationale (qui inclut aussi les MRC de l’Île d’Orléans, Portneuf, la Côte-de-Beaupré, la Jacques-Cartier et Charlevoix) dans le même panier. Le résultat manque de précision. Sans grande surprise, le recensement ne permet pas non plus de confirmer ou d’infirmer cet exode des citadin·e·s de Québec vers Montréal. Mes recherches se sont aussi avérées infructueuses en sondant la Ville de Québec, l’agence Québec Internationale et la Communauté Métropolitaine de Québec.
Mircea Vultur, professeur titulaire du Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS, m’a même dit, au détour d’une demande d’entrevue, que ma recherche était inédite. Inédite. C’est le mot qu’il a utilisé avant de me diriger vers un autre sociologue. Je ne m’attendais pas du tout à ça.
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