Revenir à Québec

Véronique Côté
Photo: Alma Kismic
Publié le :
Visages du Québec nouveau

Revenir à Québec

Au bout de voyages inouïs, Mélanie Carrier et Olivier Higgins ont touché terre à Québec, d’où les deux artistes créent des œuvres nourries de rencontres.

Aucun·e des deux ne pensait jamais habiter là, à quelques maisons des lieux de leur enfance, au nord de Québec, tout près de la montagne. Avant ça, Mélanie Carrier et Olivier Higgins ont parcouru l’Asie, de la Mongolie à l’Inde, 8 000 kilomètres à vélo, un périple documenté dans leur tout premier film bardé de prix, Asiemut (2007), puis ont ensuite repris leurs vélos ensemble et roulé jusqu’à Natashquan, sur les traces des maillages entre la culture québécoise et celle des Premières Nations (Québékoisie, 2013). Si c’est d’abord pour retrouver famille et ami·e·s que le duo a choisi Québec, c’est aussi par besoin d’accéder à cette grande nature de proximité, après avoir passé tant de temps à l’étranger. Et les territoires immenses leur sont curieusement très accessibles depuis leur petit bungalow. Mélanie confie : « Nous faisons nos meetings, chez MÖ FILMS, dans la forêt derrière chez nous. »

Émue, j’ai retrouvé leur démarche lors d’une exposition présentée au Musée national des beaux-arts du Québec en janvier dernier. Une œuvre chargée de sens, de douleur et de beauté créée autour de leur dernier film, Errance sans retour (2020), qui traite de la crise des réfugié·e·s rohingyas au Bangladesh. Un travail d’orfèvre, réalisé avec le photographe Renaud Philippe, qui nous transmet la dure réalité de ces camps « en attendant », où certain·e·s patientent depuis plus de 20 ans maintenant. 

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Tou·te·s deux sont de ceux et celles qui nous aident à tracer de nouvelles constellations entre nos voisin·e·s et nous. Proches, ou très lointain·e·s. « Au fond, derrière chaque film, chaque geste, l’idée, c’est de s’intéresser à l’histoire de l’autre. Et quand on fait ça, quand on le fait vraiment, ça ouvre des portes dans nos têtes. Des portes qui, souvent, ne se refermeront plus après », tente Mélanie. 

Olivier ajoute : « Quand on travaille sur un projet, tout est lié, tout se répond. Pour Errance sans retour, on a travaillé avec la petite communauté rohingya de Québec (une quinzaine de familles), et plus particulièrement avec Mohammed Shofi, un Rohingya qui a passé 18 ans dans le camp de réfugié·e·s de Kutupalong, et qui habite maintenant la ville de Québec. Avec quelques autres, il a traduit pour nous les entretiens dans le documentaire. Et finalement, c’est lui qui a fait la narration du film. Shofi fait partie de nos vies, maintenant. » 

Parce qu’on leur a beaucoup donné à leurs débuts, Mélanie et Olivier s’impliquent à leur tour. Elle a été vice-présidente du Festival de cinéma de la ville de Québec au cours des sept dernières années—elle vient tout juste de laisser sa place pour se consacrer plus entièrement à ses projets de création. Et le couple continue d’agir de façon souterraine, presque invisible, un peu à la manière du mycélium qui innerve la forêt. 

« C’est important pour nous de redonner à notre milieu. On est très présents pour la relève locale, parce que c’est dur, faire du cinéma à l’extérieur de Montréal. On essaie d’aider, on fait du mentorat, on relit des demandes de bourse, on regarde un premier montage. On est là. » 

Mélanie et Olivier sont là. 

L’artiste est présent, comme le clame la performeuse Marina Abramović. Et si cette présence pleine, c’était tout ce dont on a besoin pour le créer, ce lien dont on a si soif ?


Mélanie et Olivier recommandent…

Le couple suggère de se perdre dans les rues de Québec. Toute l’année, des activités gratuites animent la ville, et c’est de tomber par hasard sur l’une d’elles qui donne sa magie à Québec. En mai, il ne faut pas manquer le spectacle déambulatoire extérieur « Où tu vas quand tu dors en marchant... ? ». En toutes saisons, les 32 kilomètres de marche du parc linéaire de la Rivière-Saint-Charles permettent de gouter la vie culturelle de Québec autrement.

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