L’autre matin, elle m’a demandé un sac-poubelle. Elle a vidé sa chambre dedans. Les robes, les jupes; le rose, le mauve. Les poupées, les licornes, les fées. Tout le féminin forcé, ostentatoire, le féminin qu’elle se fait accoler de force du haut de ses sept ans: à la poubelle.

Elle porte les cheveux courts et les genoux écorchés. Elle escalade les arbres, et elle marche sur la glace.

— Je veux bien être une fille, mais c’est moi qui décide laquelle.

Elle a la bouche pleine de confiture. Et déjà des phrases de grande femme.

Je l’ai nourrie de récits de révoltées. Rosa Parks, Frida Kahlo, Madeleine Parent sont ses modèles.

Mais sur le pas de la porte, son sac d’école sur les épaules, elle m’envoie une phrase flèche.

— Je n’aurai pas d’enfants parce que les rebelles n’ont pas d’enfants.

Elle ne me laisse pas le temps d’argumenter.

— Bonne journée, maman !

Elle s’éloigne, ma grande petite fille.

Dans son esprit, il y a une faille : les héroïnes ne peuvent pas être des mères.

Impossible d’être à la fois habile à faire la révolution et à donner des câlins.

On ne peut pas être sur tous les fronts.