Frédérick Lavoie: le journaliste qui écrit comme un romancier

Catherine Genest
Photo: Hashim Badani
Publié le :
L’entrevue

Frédérick Lavoie: le journaliste qui écrit comme un romancier

Comme reporter, le québécois Frédérick Lavoie nage dans un couloir à part. Il se démarque de ses collègues grâce à sa plume soignée et sensible, sans jamais verser dans la mièvrerie pour autant. 

Troubler les eaux

Frédérick Lavoie

Votre livre m’a appris que la contamination à l’arsenic des puits du Bangladesh constitue le plus grand empoisonnement de masse de toute l’histoire, surpassant même l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces deux évènements n’ont pas eu le même rayonnement. Pourquoi a-t-on si peu entendu parler de cette catastrophe bangladaise survenue dans les années 1990? 

La première raison est assez évidente: les médias—et les publics—s’intéressent plus facilement à un danger immédiat comme l’explosion du réacteur à la centrale de Tchernobyl, dont on pouvait suivre le nuage radioactif presque en temps réel, qu’à un empoisonnement de masse qui tue en silence, à petit feu. Tchernobyl était en ce sens beaucoup plus concret et urgent que ne pouvait apparaitre la contamination à l’arsenic au Bangladesh. 

La seconde raison à ce manque d’intérêt est un peu plus inconfortable à reconnaitre. L’information internationale, telle qu’on la crée et qu’on la transmet, est à l’image des rapports de pouvoir mondiaux. On peut bien essayer de se convaincre du contraire avec de bons sentiments, mais la vie d’une villageoise bangladaise vaut forcément moins sur un fil de nouvelles que celle d’un Européen. Je le dis sans cynisme, comme un simple constat. Si on souhaite démanteler ces hiérarchies, il faut premièrement savoir reconnaitre ces inégalités de facto. La culpabilité et la pitié à ce sujet ne sont pas des solutions, mais de simples petits pansements vertueux sur un problème qui nécessite des changements bien plus profonds. Il faut apprendre à prêter attention à ce qui sort de nos systèmes de valeurs, à d’autres visions du monde auxquels nos réflexes journalistiques n’arrivent pas d’emblée à donner une importance.


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