Le meilleur de la littérature en 2025

- Publié dans : Nouveau Projet 31
- Dossier : Nos recommandations 2025
Le meilleur de la littérature en 2025
Voici ce que Nouveau Projet et son réseau de collaborateur·trice·s ont lu cette année.
Cinq titres réédités en 2025
selon Ralph Elawani, journaliste et essayiste
La mémoire et les jours
Charlotte Delbo (Éditions de Minuit)
Dernier volet de la tétralogie Auschwitz et après, le plus intime et le plus vaste—géographiquement parlant—des quatre récits poétiques rédigés par cette survivante des camps nous revient dans une version définitive, à la fois comme un élan vers l’Autre, une expression de la douleur et un appel à la solidarité qui ne connait pas de frontières.
Motel Chronicles suivi de Fool for Love
Sam Shepard (Christian Bourgois éditeur)
Dramaturge d’une Amérique aussi vaste que crépusculaire, cowboy détraqué, James Dean version redneck, Sam Shepard était quelque part entre Samuel Beckett, Bob Dylan et Ernest Hemingway. Ce recueil hybride alliant microrécits et poésie aura inspiré rien de moins que le film Paris, Texas. Wim Wenders, qui signe une préface inédite, vous expliquera le reste.
La stratégie de l’émotion
Anne-Cécile Robert (Lux Éditeur)
La première mouture de ce livre est parue durant la première ère Trump. Dotée d’une nouvelle préface de l’autrice, la réédition arrive juste à temps pour mieux comprendre (comme s’il y avait de quoi à comprendre, direz-vous) l’UFC White House. Le contrôle social par l’émotion est peut-être en définitive une variation de l’expression «braille, tu pisseras moins».
Les délices du démon
Ambrose Bierce (Éditions Finitude)
Une part Mark Twain, une part H. L. Mencken, une part Edgar Allan Poe, une part Joseph Kessel, «Bitter Bierce» était un grand maudit de la littérature étatsunienne dont le fiel et l’humour noir transpiraient déjà allègrement dans cette première œuvre, publiée en 1873, qui n’avait jamais été traduite en français.
Uchronie
Emmanuel Carrère (Éditions P.O.L.)
En faisant paraitre ce livre, en 1985, l’auteur de Limonov a ouvert une boite de Pandore qu’il n’a su refermer depuis: celle des «Et si…». Ce petit essai, enrichi d’une nouvelle préface de l’auteur, contient le germe de sa carrière au grand complet, ne serait-ce que dans cette question que posent tous ses livres: qu’est-ce que cette histoire dit du monde qui nous entoure?
Trois livres qui explorent les zones grises de la transmission
selon Amélie Panneton, critique littéraire, autrice et travailleuse humanitaire
Les déterrées
Katia Belkhodja (Mémoire d’encrier)
Née en Algérie, mais exilée au Québec avec sa famille, Rym explore son arbre généalogique et le passé qui fait encore frémir ses branches. La guerre et la décolonisation, les histoires de résistance et de déracinement—tout dans ce roman vibrant interroge les souvenirs et la façon dont ils tissent la mémoire.
Mal
Chase Cormier (Perce-Neige)
Chase Cormier nous entraine derrière le comptoir de la boucherie de son grand-père, Mal, et raconte ce qu’il y a appris. Par fragments, dans une langue vive et ratoureuse, il parle de la Louisiane où il a grandi, d’histoires de famille, d’identité, de masculinité. Un récit riche et souple, agile et joueur.
Un carré de poussière
Olivia Tapiero (Éditions de la Rue Dorion)
Inventif et mouvant, le dernier livre d’Olivia Tapiero ne ressemble qu’à lui-même. Ses poèmes en prose mènent l’enquête: les grands systèmes de pensée occidentale ne se sont-ils pas construits sur des violences dont ils sont complices? Loin d’être aride, le recueil est d’une beauté exigeante, qui frappe en plein dans le plexus solaire.
Trois récits intimes bouleversant
selon Marc-Antoine Sinibaldi, responsable, communauté et communications, Atelier 10
Il faut beaucoup aimer les femmes qui pleurent
Martine Delvaux (Héliotrope)
Avec son nouveau livre, Martine Delvaux souhaite réécrire «le livre menti», une histoire qu’elle a déjà racontée, mais déguisée: celle d’une relation amoureuse qu’elle révèle avoir vécue avec une femme. En convoquant notamment les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes ainsi que Marguerite Duras et Nelly Arcan, l’autrice offre un récit sensible, personnel, mais universel sur l’amour, sa fracture, son péril, son emprise. On y sent sa passion pour la littérature, pour ces textes qui permettent souvent de nous sauver, de nous comprendre. Un livre qui porte une grande maturité émotionnelle et qui nous rappelle que l’intime est toujours politique.
Cindy_16
Louis-Daniel Godin (La Peuplade)
À 17 ans, le narrateur fréquente un homme, Marc-Alain, de 20 ans son ainé. Quinze ans après leur rupture, il apprend que Marc-Alain est accusé de crimes sexuels sur des mineurs, commis en se faisant passer pour une jeune femme sur l’internet, Cindy_16. Louis-Daniel Godin (dont le premier excellent livre, Le compte est bon, a été finaliste aux prix du Gouverneur général en 2024) propose avec ce deuxième roman une incursion dans les souvenirs du narrateur, racontés au «on» plutôt qu’au «je», la distance étant trop grande entre celui qu’il était et celui qu’il est devenu. Il ne s’agit ni d’un règlement de comptes ni d’une vengeance; c’est plutôt une reconstitution de ce qu’il lui reste de cette époque—ses souvenirs, sa honte. Un livre brillant qui, malgré une histoire sombre, est très libérateur, presque ludique, l’auteur jouant avec les mots et les répétitions. Une autre confirmation du grand talent d’écrivain de Godin.
Mon vrai nom est Élisabeth
Adèle Yon (Éditions du sous-sol)
Pour son premier livre, Adèle Yon frappe très fort. Puisqu’elle sent planer au-dessus d’elle l’ombre de la folie—une malédiction familiale—, l’autrice se lance dans une enquête pour comprendre le tabou entourant son arrière-grand-mère, Betsy. Diagnostiquée schizophrène, Élisabeth a été internée, puis lobotomisée, selon les directives de son mari. À travers une importante recherche d’archives et d’entretiens, l’autrice dévoile le sombre sort réservé aux femmes malades au milieu du 20e siècle. Un livre troublant, hypnotisant et instructif sur la violence, la maladie et les secrets.
Cinq articles de magazine qui ont marqué mon année
selon Nicolas Langelier, rédacteur en chef, Nouveau Projet
«How Suicide Drones Transformed the Front Lines in Ukraine»
C. J. Chivers (The New York Times Magazine, 31 décembre 2024)
Désespérée, faisant face à un adversaire beaucoup plus riche et populeux, l’Ukraine s’est mise à transformer des drones commerciaux en puissantes bombes volantes. Ce faisant, elle a changé la façon dont les guerres seront menées au cours des décennies à venir.





















