Ogres énergétiques

Pierre-Olivier Pineau
Publié le :
Économie

Ogres énergétiques

Les Québécois disposent de vastes ressources en énergie, ce qui les incite à la gaspiller. Les solutions à cette surconsommation sont pourtant nombreuses. Il est peut-être temps de nous imposer une diète.

Si le Québec était un pays, il se classerait au troisième rang mondial des nations consommant le plus d’énergie par habitant; seuls le Canada et les États-Unis le surpasseraient. Cette triste médaille de bronze s’explique en grande partie par les ressources hydro-électriques de la province: abondantes et abordables, elles ont incité certaines industries énergivores, surtout des alumineries, à venir s’installer chez nous. Divisée par le nombre d’habitants, la consommation industrielle au Québec est ainsi supérieure à la moyenne mondiale. Comme l’hydro-électricité ne produit presque pas d’émissions de gaz à effet de serre, ce n’est pas trop grave. Ce qui est plus embêtant, par contre, c’est que dès que nous portons notre regard vers l’est, sur des pays plus riches que nous tels la Norvège, la Suède ou l’Allemagne, nous apparaissons comme des ogres énergétiques, sur tous les plans.

Consommation sectorielle d’énergie par habitant, 2015

  • Source: Agence Internationale de ­l’Énergie (2017) et, pour le Québec, Statistique Canada (2017).

En matière de transport, notre consommation d’énergie par personne dépasse de 50% celle des Norvégiens, et de 100% celle des Allemands. Pour les bâtiments résidentiels et commerciaux, l’écart est moins marqué mais s’élève tout de même respectivement à 12% et à 18% de plus par individu que la Norvège. Les comparaisons avec la Suède et l’Allemagne sont encore plus désavantageuses. Le Québec se rattrape un peu dans le secteur de l’agriculture et sur le plan des usages non combustibles des hydrocarbures (pétrochimie, asphalte, etc.), mais ces secteurs sont trop petits pour changer la donne.

Pourquoi est-il important de prendre conscience de ces différences? Parce que si nous voulons réussir notre transition énergétique, ce n’est pas en rêvant de nouvelles technologies que nous allons y arriver. Aucun de ces pays ne dispose de moyens qui ne nous sont pas déjà accessibles: ce sont nos habitudes, notre culture de consommation et le cout de l’énergie qui doivent être pris en compte. Et profondément modifiés.

À terme, nous pourrions ainsi réduire notre consommation totale d’énergie de 15%, 29% ou 42% en suivant les exemples norvégien, suédois ou allemand—​et nous enrichir, parce que chacun de ces pays est à la fois plus prospère et plus équitable que le Québec. En aurons-nous l’audace?


Pierre-Olivier Pineau est titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal. Il a écrit avec Johanne Whitmore État de l’énergie au Québec 2018, qui fait un tour d’horizon complet de notre système énergétique.

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