Trois questions à Ricardo Lamour

Judith Oliver
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L’entrevue

Trois questions à Ricardo Lamour

Diplômé de l’École de service social de l’Université de Montréal, il œuvre depuis dix ans à la mise en place de mécanismes de planification concertés dans le domaine de la santé, de la mobilisation citoyenne et des espaces publics.

Quel est le principal obstacle à notre qualité de vie?

Notre incapacité collective à dire non aux dépossessions de toutes sortes. Le capitalisme économique a atteint un point de rupture, mais on continue à camoufler les faits. On crée des écoles privées pour que l’élite n’ait pas à fréquenter la masse, on multiplie les mises en scène pour maintenir les sociétés dans des divisions stériles, on encourage l’exploitation de ressources qui ne nous appartiennent pas et la spéculation sur le cours des matières premières. En parallèle, on fait tout pour empêcher la mobilisation de ceux qui sont dépossédés. Les paradis fiscaux sont le symbole par excellence de ce système qui consacre l’essentiel de son énergie à se protéger et à nier son existence. Ils représentent de l’impôt en moins pour réduire l’attente à l’hôpital, améliorer l’état des routes, offrir une éducation de qualité. Ils ont donc des répercussions sur notre qualité de vie et entretiennent notre servitude volontaire, pour parler comme Étienne de La Boétie.


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Alors à quoi tient-elle, cette qualité de vie?

Vivre, c’est cesser d’avoir peur. Nous sommes censés naitre libres et égaux, pourquoi ne pas faire collectivement en sorte que ce soit réellement le cas? Au lieu de cela, nous meublons notre vie avec des images qui ne nous ressemblent pas et des préoccupations qui, fondamentalement, ne sont pas les nôtres. Imperceptiblement, nous laissons notre jardin émotionnel se faire coloniser par ces plantes-là: l’impression qu’une frange de la population va nous envahir, empiéter sur nos droits et nos acquis; la peur de n’être rien si nous n’avons pas telle chose ou si nous ne vivons pas telle expérience. On nous apprend à vivre dans la crainte pour que jamais nous ne bousculions les codes établis.

Vivre, c’est cesser d’avoir peur. Nous sommes censés naitre libres et égaux, pourquoi ne pas faire collectivement en sorte que ce soit réellement le cas?


Quel levier activer de toute urgence?

Un des critères essentiels à la qualité de vie, c’est le droit de mettre en doute les choix qu’on fait pour nous. On n’ose pas déranger, mais on ne posera jamais trop de questions. Il faut cultiver chez les plus jeunes la conscience de ce droit, car il est facile à étouffer. C’est là que nait la possibilité de prendre des décisions éclairées, de définir, par nous-mêmes, ce que devrait être une vie de qualité. Je vois trop de gens se débattre pour se maintenir dans la classe moyenne. Ils essayent de se conformer à une qualité de vie qui a été définie par d’autres, pour d’autres. Suivre un modèle qui n’est pas le nôtre, c’est se couper de ce qui, en nous, nous permettrait de changer les termes de l’équation. 

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